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Céline, maman, femme, présidente et épouse, un quotidien bien chargé !

Quand nous entrons chez Céline, elle et ses filles préparent leur déguisement pour le carnaval de l’après-midi. Océane sera un personnage de jeu vidéo, et Olivia une sirène, bon moyen pour camoufler derrière un beau rocher le fauteuil dans lequel elle est momentanément installée. Au milieu de ces activités manuelles si joyeuses et normales pour une famille en vacances, la maman commence à nous parler de leur vie, qui est en fait bien compliquée.


Sa fille ainée, Océane, 12 ans, est atteinte d’une neurofibromatose de type 1. Cette maladie génétique, dont le pire stade s’apparente aux symptômes d’Elephant man, provoque la pousse de tumeurs le long des nerfs, n’importe ou sur le corps. La maladie peut avoir des manifestations très différentes d’un patient à l’autre : pour Océane, ce fut à deux ans et demi qu’un neurofibrome interne se développa sur le nerf facial, le long de l’oreille et de la mâchoire. Pour son papa, aussi atteint, ce sont des neurofibromes externes qui se développent, soit des petites boules qui poussent sur le corps. La maladie génétique est en effet une affaire de famille : la belle-mère de Céline en est décédée, à la suite d’une tumeur au cerveau, quelques jours après la naissance d’Océane. Si la neurofibromatose n’est pas mortelle directement, elle favorise l’apparition de cancers et de métastases très dangereux, d’autant plus qu’ils sont parfois détectés trop tard, les analyses étant centrées sur la maladie génétique. Céline le dit, elle a alors été « une maman chiante ». On comprend bien facilement pourquoi elle a porté autant d’attention médicale sur ses filles, avec analyses avant la naissance pour Océane, puis suivi tous les 6 mois. Pour sa deuxième grossesse, celle de Olivia, « une crevette surprise », pas de diagnostic prénatal, dur à supporter pour une jeune maman : par bonheur, elle n’est pas atteinte de la maladie. Les lois de la génétique font que souvent, seulement un enfant sur 2 est touché. La maladie est détectée facilement quand il y a des précédents dans la famille, ou lorsqu’un nouveau-né a sur le corps plus de 5 tâches couleur café au lait, soit une naissance sur trois mille. Cependant, beaucoup découvrent leur neurofibromatose plus tard, car il est possible de vivre normalement avec la maladie.


Une vie normale alors pour Océane et sa famille ? Presque, puisque la jeune adolescente n’a aucun problème moteur ou intellectuel. Simplement, son quotidien est rythmé par un suivi médical très lourd. Dès son premier neurofibrome, Océane a dû être opérée à Necker à Paris, les chirurgiens dijonnais ne voulant pas risquer une telle intervention. Les trois quarts de la tumeur ont été retirés, mais elle est de nouveau en phase de développement. Alors, dès qu’Océane ressent un pic de douleur, s’ensuit toute une batterie d’analyses : IRM, tests neuropsychologiques... Il y a peu, Céline a dû la conduire aux urgences pour une crise de paralysie du visage et de la gorge. Leur rendez-vous avec le professeur référant de la neurofibromatose, une pointure du domaine, a été avancé, et il leur a proposé de se lancer dans un essai clinique. Jugeant l’opération trop risquée, il les a orientées vers ce protocole totalement nouveau, à base d’un traitement antirejet qui aiderait pour les tumeurs. Les résultats sont pour l’instant mitigés : la taille du neurofibrome ne semble pas avoir diminuée, il y a des effets secondaires très dérangeants pour Océane, mais la douleur devient beaucoup moins insupportable. Le pour semble alors l’emporter sur le contre : la douleur fait partie de la vie d’Océane, depuis sa naissance. Céline a tenté beaucoup de traitements pour la soulager, allant même du côté des huiles essentielles, mais rien n’était efficace. Pouvoir gérer la douleur de sa fille pour la première fois est une libération. Cela est en grande partie due au travail d’un médecin de la douleur, qui a réellement écouté Océane, et qui a tâtonné pour trouver le traitement adapté. Céline évoque en effet le manque de considération de certains soignants, qui rendent leur quotidien très pénible. Le bon déroulement des soins repose sur les médecins et leur coordination, parfois difficile à assurer quand tant de personnes s’occupent d’Océane. Ils ont par exemple organisé une sorte de colloque sur son cas, rassemblant pédiatres, professeurs et psychologues. Le traitement psychologique est en effet une part importante du suivi de la maladie. Avec l’adolescence, tout se complique. Il faut accepter son corps, un corps malade, chose difficile pour tous les patients. Le suivi psychologique et psychiatrique est nécessaire pour aider Océane à surmonter toutes les difficultés de la maladie, mais aussi pour extérioriser sa douleur et ses angoisses, par exemple face à une possible opération, qui ne se fera pas sur la simple décision de ses parents. Céline salue le travail du service du CHU, qui devrait ouvrir 4 ou 5 nouveaux postes, plus que bienvenus. Les psychologues aident aussi la jeune fille à faire face à une phobie scolaire, résultat d’années de harcèlement. Sa maman explique que les enfants, dès l’école primaire, refusaient de jouer avec Océane, car ils avaient peur d’attraper sa maladie. Mais son papa est intervenu en classe en sensibilisant les enfants, et les problèmes ont été apaisés. Comme souvent, l’éducation, des enfants mais aussi de leurs parents, est la solution.


Toute la famille bénéficie de cette aide psychologique et d’un encadrement spécial. Mme Joly, psychologue au CHU, a ainsi lancé en 2007 les premières réunions d’un groupe de parents, qui n’ont pas cessé depuis. Sept mamans sont par exemple allées en septembre dernier au Festival du film sur le handicap à Cannes : un week-end riche en émotions et en rencontres, qui leur a permis de s’évader et de beaucoup rigoler. Céline explique bien la nécessité, vitale, de tels moments : « Face à la maladie, on est isolés. Nos proches, nos familles ne peuvent pas vraiment comprendre ce qu’on ressent, et on ne veut pas avoir l’air de toujours se plaindre. » Alors, se retrouver entre parents d’enfants malades, peut être pas de la même maladie mais traversant les mêmes épreuves, dans le même milieu, permet d’extérioriser sans se sentir juger ou incompris. C’est pour cela que Céline s’est retrouvée à la tête de l’association des familles de génétique qui veut organiser des moments conviviaux et joyeux avec les familles de patients, pour que les enfants jouent ensemble et que les parents discutent. Réunions à la ludothèque ou au Flunch, mais elle envisage aussi d’autres moments de répit, entre mamans au SPA par exemple, un rêve pour des femmes constamment sollicitées. Céline doit alors gérer toute la logistique de telles rencontres. Réfléchir à des activités qui créent du lien entre tous, mais cela dans un lieu adapté : exit le bowling et de nombreux restaurants. La difficulté de réunir des enfants parfois handicapés saute aux yeux : problèmes d’espace et d’aménagements, dans les bâtiments et les transports, mais aussi mauvaise foi et bourdes de certains commerçants, qui « proposent de sortir les enfants du fauteuil » … « Il y a toujours un peu de colère et de tristesse face à cette exclusion d’une importante part de la population ». Il faut enfin trouver des moments ou tous peuvent venir, même de loin. Pas facile non plus quand, comme Céline, un emploi s’ajoute à tout ça. Elle travaille 24heures par semaine à Carrefour. Ce rythme, qu’elle a adopté après avoir abandonné les 35heures impossibles à gérer, lui convient : si son travail n’est pas facile, il lui permet de « s’échapper, et de créer du lien avec les clients, qui ont parfois eux aussi besoin d’être écoutés, même s’ils se plaignent au moindre petit souci ». Le travail est donc nécessaire à son équilibre, et elle a maintenant moins de scrupules à s’arrêter, puisqu’elle reçoit une compensation financière dans le cadre de son congé de présence parentale. Proche de sa hiérarchie, elle préfère ouvertement parler de la maladie de son enfant, plutôt que d’être jugée par des gens ignorants. Encore une fois, on comprend la force que déploie Céline pour s’occuper d’Océane et sa sœur, qui vient d’être hospitalisée.


Des projets, elle en a beaucoup, à la fois pour ses filles, qui « n’ont jamais été au ski, au Futuroscope ou au parc Astérix », et son association. Même si elle est déjà épuisée, elle espère mener à bien de beaux moments, sans gros budget, prise de tête ou concurrence avec les autres associations, réalité du milieu. Elle réussit au quotidien à divertir ses filles, jonglant entre travail, hôpital, association et famille avec un courage impressionnant. Céline souhaite le meilleur pour elles, pour leur avenir et aussi pour le moment présent, alors nous les quittons sur les derniers préparatifs du carnaval : comment pourra-t-elle bien fixer le rocher de la sirène Olivia sur son fauteuil ?

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